« Guinevere », premier essai d’un réacteur nucléaire sous-critique

« Guinevere », premier essai d’un réacteur nucléaire sous-critique

12 janvier 2012 0 Par Xavier Giroult

nucléaire,énergie,sous critique,réaction en chaîneLors d’une conférence de presse qui s’est tenue hier, mercredi 11 janvier 2012, au siège du CNRS à Paris a été annoncé le succès rencontré par le projet Guinevere, premier démonstrateur mondial de réacteur nucléaire à réaction contrôlée par un accélérateur de particules ou ADS (« Accelerator Driven System », c’est-à-dire « Système piloté par accélérateur »). Le but de l’expérience : proposer à l’avenir des réacteurs nucléaires plus sûrs et moins polluants.

Ce projet a été développé par le Centre d’étude de l’énergie nucléaire (SCK-CEN) de Belgique, en collaboration avec le CNRS de Paris (qui a développé l’accélérateur de particules Genepi-3C), le centre de Cadarache du Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA), la Commission européenne et une dizaine de laboratoires européens. Installé à Mol, en Belgique, il s’agit en réalité de la « maquette » d’un projet beaucoup plus vaste et ambitieux dont les origines remontent à la fin des années 1990 : Myrrha, un réacteur nucléaire sous-critique qui devrait être opérationnel vers 2023.

La technologie proposée par Guinevere est différente de celle utilisée dans les réacteurs nucléaires classiques. Plutôt que de fonctionner à travers une réaction en chaîne maîtrisée, elle propose en effet la réalisation de la fission nucléaire sans atteindre le seuil critique du déclenchement de la réaction en chaîne. La fission est obtenue grâce à la projection de neutrons « rapides » sur une « cible » de combustible composée d’uranium et de plomb, principalement. C’est ici, bien entendu, qu’intervient l’accélérateur de particules dont le but est de donner aux neutrons la vitesse nécessaire pour déclencher la fission des atomes du combustible.

Cette technologie de fission rapide dans un réacteur sous-critique présente deux avantages majeurs. Premièrement, le fait que le stade critique de la réaction en chaîne n’est pas atteint signifie un niveau de sécurité plus important que dans les réacteurs classiques : aucun emballement fatal n’est à envisager et il suffit d’éteindre l’accélérateur de particules pour arrêter le réacteur. De plus, l’accélération des neutrons avant l’impact sur le combustible permet de limiter la production de déchets nucléaires de très longue durée. En effet, lors d’une réaction nucléaire classique, il arrive que des atomes d’uranium (principalement des isotopes 238) capturent des neutrons sans pour autant se fissionner. Il en résulte la formation d’atomes plus lourds, appartenant à la même famille que l’uranium, les actinides, et en particulier les actinides dits « mineurs », principalement le neptunium (237), l’américium (241, 243) et le curium (243, 244, 245). Or, ces actinides mineurs sont parmi les plus radiotoxiques des déchets formés à l’occasion d’une réaction nucléaire.

L’accélération des neutrons permet donc de limiter la formation d’actinides durant la réaction nucléaire en transmutant ces atomes plus lourds, c’est-à-dire en les « forçant » à fissionner à leur tour, en isotope moins dangereux et à durée de vie plus réduite. Mieux encore, le combustible utilisé dans un ADS pourrait être composé jusqu’à 50% d’actinides (contre 4% dans la filière classique), ce qui permettrait de réutiliser les déchets des réactions nucléaires classiques. Ainsi, cela permettrait de limiter à la fois la quantité de déchets de haute activité à vie longue en la divisant par cinq mais aussi de réduire considérablement la radio-toxicité de ces déchets au-delà de 1000 ans. Un temps toujours considérable, mais une avancée majeure qui préfigure peut être une solution future aux déchets de l’industrie nucléaire.

 

Xavier Giroult

Crédit photo : © Eric Constantineau