La science pourra-t-elle modifier notre mémoire ?

La science pourra-t-elle modifier notre mémoire ?

31 mars 2014 0 Par Les Transitions

Une poignée de chercheurs s’est attelé à un projet qui parait plus fictionnel que réaliste : réussir à manipuler la mémoire des individus. L’objectif serait d’introduire artificiellement dans le cerveau humain des souvenirs d’événements non vécus, quelque chose qui relevait plus de la science fiction que de la réalité. Pourtant, les chercheurs ont mené plusieurs expériences scientifiques qui permettent d’effacer ou de créer des souvenirs chez les souris de laboratoires.

 

La plasticité neuronal : une innovation médicinale


La formation de la mémoire est l’un des sujets les plus complexes du domaine des neurosciences, et beaucoup reste à découvrir en la matière […] Il y a différents types de souvenirs et la mémoire résulte d’une expérience multisensorielle : la vision, le toucher, l’audition, ou d’autres sens constituent les différentes parties d’un souvenir unique. Tous ces signaux sont traités en divers endroits du cerveau et nous ne savons pas encore comment ces informations sont intégrées ensemble sans heurts”, explique Norman M.Weinberger, professeur en neurobiologie à l’université de Californie.

 

Le thème de la mémoire a suscité au fil des époques un intérêt particulier : les deux adaptations cinématographiques de la nouvelle “Souvenirs à vendre” écrit par Philippe K.Dick sous le nom de Total Recall en sont une illustration. Aujourd’hui plusieurs expériences ont montré qu’il est dorénavant possible de manipuler la mémoire. En septembre dernier des chercheurs du Scripps Research Institute (TSRI) ont montré que l’on pouvait effacer sélectivement des souvenirs chez des rongeurs. Il suffirait de bloquer la formation de certaines cellules dans le cerveau pour réussir à faire oublier aux animaux la méthamphétamine : “Nos recherches montrent que l’on peu totalement effacer des souvenirs profondément enracinés, associés à des drogues, sans endommager les autres parties de la mémoire” explique Courtney Miller, la chercheuse en neurosciences au TSRI.
D’autres recherches ont eu pour objectif d’introduire des souvenirs artificiels dans le cerveau. En 2012, une équipe de l’université Case Western à Cleveland (Ohio) a fait une expérience sur les souris en démontrant qu’il était possible “de stocker des informations pendant quelques secondes directement dans des tissus cérébraux”. Enfin, Norman M. Weinberger a renforcé l’existence de souvenirs chez les rongeurs en implantant des souvenirs artificiels associés à des sons. Une partie du cerveau est alors stimulée avec de l’acétylcholine, un neurotransmetteur impliqué dans la formation de la mémoire.
Une autre voie prometteuse expérimentée par Ed Boyden consiste à utiliser les propriétés particulières des algues vertes issus des lacs et des étangs qui réagissent fortement à la lumière. Il suffirait alors d’introduire les protéines de ces algues dans certaines parties du cerveau pour que les neurones deviennent réactifs à la lumière et se comportent comme des fusibles : on pourrait “allumer ou éteindre les groupes de neurones à volonté” nous explique le scientifique du MIT. Cette technique appelée Optogénétique pourrait devenir une solution pour les troubles comme Parkinson, les addictions, la dépression et la schizophrénie.

 

Une expérience scientifique décisive


C’est à l’université de Californie qu’une équipe du MIT a réussi à implanter des souvenirs factices dans le cerveau de souris. Une expérience essentielle afin de poursuivre les recherches sur les troubles et les pertes de mémoire. Norman M.Weineberger a dirigé une équipe de recherches en préparant la souris à une tonalité spécifique pour stimuler le noyau basal, une structure située à la base du cerveau dont les cellules libèrent un neurotransmetteur, l’acétylcholine, impliqué dans la formation de la mémoire. En stimulant le noyau basal, les scientifiques ont induit une augmentation du nombre de cellule du cerveau répondant à cette tonalité spécifique. Le lendemain, ils expérimentent la réaction de l’animal en jouant de nouveau le son et se rendent compte que la respiration de la souris s’accélère. Elle reconnaît la bande sonore : un souvenir a donc été crée grâce à une intervention directe sur le cerveau. Les chercheurs précisent d’ailleurs que ce souvenir artificiel est de même nature que les souvenirs “naturels”.

 

Un défi pour la médecine

 

En juillet 2013, une expérience mené par le MIT et le centre de recherche japonais Riken, a montré qu’il était possible d’introduire des souvenirs artificiels dans le cerveau par optogénétique. I a fallu tout d’abord placer les souris dans une pièce dangereuse où elles recevaient des décharges électriques. Puis des zones de leurs hippocampes associée à la mémoire d’une autre pièce représentant aucun danger ont été activées artificiellement. En les replaçant dans cette pièce, les rongeurs ont exprimé un sentiment de peur et se dirigèrent directement vers une pièce neutre : “ L’animal a le souvenir de quelque chose qui ne s’est jamais réellement passé ” concluent les chercheurs en précisant que “sur le plan moléculaire et neuronal, il est impossible de distinguer les vrais souvenirs des faux”.