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Le rejet du bonus-malus énergétique par le Conseil Constitutionnel

Déposée à l’Assemblée nationale le 6 septembre 2012 par MM. François Brottes et Bruno Le Roux, la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes présentait une mesure phare. L’article 2 du texte prévoyait en effet la création d’un mécanisme de bonus-malus à compter de 2016 pour inciter les ménages à modérer leur consommation d’énergies de réseaux (eau, électricité et chaleur). A cette fin, le législateur avait défini pour chaque résidence principale « un volume de base », c’est-à-dire la quantité d’énergie nécessaire pour couvrir les besoins essentiels minimaux en chauffage et en production d’eau chaude pour une année. Ce volume de base devait être modulé en fonction du nombre d’occupants du logement, de la localisation géographique du logement et du mode de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire. Les ménages qui auraient consommé moins que le volume de base qui leur était attribué auraient vu leur facture allégée par l’application du bonus. En revanche, ceux dont la consommation devait être supérieure au volume de base se seraient vu appliquer un malus alourdissant le montant de leur facture.

La proposition de loi a connu une procédure d’adoption difficile. Adoptée une première fois par l’Assemblée nationale le  4 octobre 2012 puis rejetée en premier lecture par le Sénat le 30 octobre 2012, la proposition avait fini par être adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 17 janvier 2013 et par le Sénat le 14 février 2013, après une large révision du texte original.

 

Cependant, saisi le 13 mars 2013 d’un recours déposé par plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs de l’opposition, le Conseil constitutionnel a rendu le 11 avril 2013 une décision censurant les dispositions relatives à l’instauration de ce bonus-malus sur la facture énergétique. Les Sages ont jugé que l’article 2 introduisant cette mesure méconnaissait le principe d’égalité devant les charges publiques (article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme.) Deux motifs d’inégalité sont ainsi exposés.

Les juges constitutionnels ont d’abord estimé qu’exclure les consommations professionnelles d’énergies du champ d’application de la loi était illogique, plus particulièrement lorsque celles-ci étaient comparables aux consommations domestiques en matière de dispositifs de chauffage et de tarification. Comme aucune autre disposition ne prévoyait à l’égard des professionnels un régime produisant des effets équivalents à un dispositif de tarification progressive ou de bonus-malus, cette discrimination fondée sur l’usage domestique ou non de l’énergie a été censuré par le Conseil constitutionnel.

Les Sages ont également établi un deuxième motif d’inégalité. Comme dans les maisons ou les logements collectifs avec chauffage individuel, le bonus-malus devait s’appliquer aussi pour les particuliers vivant en immeubles équipés d’un système de chauffage central, un dispositif par définition impossible à régler de manière individuelle. Cela a donc été jugé en contradiction “avec l’objectif de responsabiliser chaque consommateur domestique au regard de sa consommation d’énergie de réseau”. Une seconde inégalité qui concourt à la censure du Conseil constitutionnel.

 

En réaction à cette décision, la ministre de l’énergie et de l’écologie Delphine Batho note que « le Conseil constitutionnel n’a pas censuré le bonus-malus dans son principe mais dans son périmètre d’application ». Un distinguo subtil qui souligne en fait la complexité de mise en œuvre d’une tarification progressive. La ministre a alors promis « une solution nouvelle et juridiquement solide » qui sera incluse dans le projet de loi de programmation sur la transition énergétique, qui devrait être présenté en octobre.

 

 

Matthieu Ravignan

 

Crédit photo : ®ActuaLitté 

 

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