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Ecriture inclusive : débat autour de l’intégration du pronom « iel » dans Le Petit Robert

Logo du dictionnaire Le Robert.

 

Le Petit Robert a confirmé cette semaine l’entrée du pronom « iel » dans la version en ligne de son dictionnaire. Une bonne nouvelle pour la communauté LGBTQI+ et les personnes qui se considèrent comme non-binaires. Par contre, cette initiative ne plaît pas du tout à de nombreux Français. Parmi lesquels le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer.

Suivre l’exemple de l’anglais

Le mercredi 18 novembre, les lexicographes du Petit Robert ont confirmé l’entrée du pronom «iel» et de son pluriel «iels» dans la version en ligne du dictionnaire. La définition qu’ils donnent est la suivante : « Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre ». Ils expliquent ensuite leur initiative : « Le sens du mot ” iel ” ne se comprend pas à sa seule lecture – dans le jargon des lexicographes, on dit qu’il n’est pas ” transparent ” –, et il nous est apparu utile de préciser son sens pour celles et ceux qui le croisent, qu’ils souhaitent l’employer ou au contraire… le rejeter ».

Les deux pronoms personnels « Iel »​​​ et « iels », à la fois masculins et féminins, ont été inventés par la communauté LGBTQI+ pour désigner les personnes non-binaires. C’est-à-dire qui ne reconnaissent pas exclusivement dans un genre, féminin ou masculin, voire aucun des deux. Avec ces mots, le Français rejoint en quelque sorte l’Allemand qui utilise «Sie» pour «Ils» ou «Elles» et l’Anglais qui emploie «They» pour les mêmes pronoms. Aux Etats Unis, certaines célébrités s’identifient déjà comme non-binaires en adoptant le pronom «They» . C’est notamment le cas de l’auteure-compositrice-interprète et actrice Demi Lovato.

La langue française suffisamment complexe pour en rajouter

Comme on s’y attendait, l’entrée du pronom « iel » dans le dictionnaire Le Petit Robert divise parmi les locuteurs de la langue française. Elle fait surtout débat dans la classe politique. En effet, plusieurs personnalités ont exprimé leur opposition à cette initiative. Premier à réagir dans une lettre ouverte à l’Académie française, le député LREM François Jolivet se dit « stupéfait» de l’intégration de cette expression formée par le Wokisme et son écriture dite inclusive. Celle-ci désigne un ensemble de signes linguistiques censés assurer une égalité des représentations entre les hommes et les femmes.

Le député de l’Indre a été rapidement rejoint par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer qui estime que l’écriture inclusive n’est pas l’avenir de la langue française. «On ne doit pas triturer la langue française, quelles que soient les causes. Le féminisme est une grande cause, mais elle ne justifie pas le fait de triturer le français. La langue française est suffisamment complexe comme ça, nous n’avons pas besoin d’en rajouter.», a-t-il protesté.

Le Larousse pas encore prêt de suivre Le Petit Robert

Dupont-Aignan et Florian Philippot se sont également prononcés appelant notamment à boycotter le Petit Robert et à défendre la langue française. On note surtout l’intervention de Brigitte Macron. La première dame a désapprouvé l’initiative du dictionnaire. «La langue française est si belle. Et deux pronoms, c’est bien», a affirmé l’ancienne professeure de français. Même l’autre dictionnaire emblématique, le Larousse, a dit rejeter également le pronom « iel ». Il ne pense donc pas emboîter le pas au Petit Robert. Il explique dans un communiqué que : « ‘iel’ ne correspond pas du tout à un mot qui rentre dans un dictionnaire d’usage. (…) On ne rencontre l’attestation du pronom ‘iel’ que dans les textes militants ».

Si l’intégration du pronom « iel » suscite une vague de protestations, il faut noter que d’autres observateurs appelle à dépassionner le débat. Pour eux, cette question mérite de prendre un peu de hauteur. « Cela peut ouvrir la discussion sur la non-binarité, comme cela a été le cas pour la féminisation des noms de métiers. Le fait d’en parler a entraîné des débats sur la place des femmes dans le monde du travail. », a relevé Marc-Olivier Loiseau, chercheur spécialiste de l’Histoire de la langue. Pour Élisabeth Moreno, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, il n’y a pas à polémiquer sur ce sujet. Elle estime que c’est « un progrès pour les personnes qui ont envie de se reconnaître dans ce pronom » fluide. Aussi, elle ne voit « pas ce que ça enlève à ceux qui n’ont pas envie de l’utiliser ».

L’usage consacrera ou non le pronom « iel »

Face aux nombreuses critiques, le Petit Robert a dû se défendre dans un communiqué. Il rejette tout militantisme et wokisme. Mieux, il voudrait rendre compte de l’évolution d’une langue française en mouvement perpétuel. «Définir les mots qui disent le monde, c’est aider à mieux le comprendre. », a indiqué Charles Bimbenet, son directeur général. S’il reconnaît que l’usage du « iel » est « encore relativement faible », il invite à reconnaître au moins que son utilisation devient de plus en plus importante. Justement, l’avenir d’une langue se détermine par son usage. Alors il faut attendre de voir si la communauté linguistique va s’emparer de ce pronom. Si ce n’est pas le cas, il tombera dans l’oubli et disparaîtra.

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