L’initiative “Stop Destroying Videogames” a franchi le nombre de signatures nécessaires dans l’Union européenne, obligeant désormais la Commission européenne à examiner les demandes de réglementation sur la préservation des jeux vidéo portées par ses initiateurs.
Un million de signatures. C’est le cap symbolique franchi par la pétition “Stop Destroying Videogames” (“Arrêtez de Détruire les Jeux Vidéo”) dans l’Union européenne (UE), le vendredi 4 juillet dernier, soit près d’un mois avant l’échéance du 31 juillet fixée pour cette initiative citoyenne européenne (ICE).
Ce mécanisme de démocratie participative permet aux citoyens européens de participer directement à l’élaboration des politiques de l’Union. Pour déclencher ce processus, les organisateurs doivent recueillir au minimum un million de signatures provenant d’au moins sept États membres de l’UE.
Cette procédure oblige ensuite la Commission européenne à examiner la demande et à décider si elle présente ou non une proposition législative. Dans ce cas précis, les initiateurs, qui rassemblent des passionnés de jeux vidéo, cherchent à obtenir une intervention européenne contre la pratique des éditeurs qui “détruisent” les jeux vidéo vendus à leurs clients.
Car lorsque nous achetons un jeu vidéo, qu’il soit physique ou numérique, nous n’acquérons en réalité qu’une licence d’utilisation. L’éditeur conserve le droit de révoquer cette licence à tout moment, rendant le jeu définitivement inutilisable.
La disparition de « The Crew », la goutte d’eau de trop
« Un nombre croissant de jeux vidéo sont vendus effectivement comme des biens, sans date d’expiration indiquée, mais conçus pour être complètement injouables dès que le support de l’éditeur cesse. Cette pratique est une forme d’obsolescence programmée et est non seulement préjudiciable aux clients, mais rend la préservation pratiquement impossible », écrivent les initiateurs de “Stop Destroying Videogames”.
L’affaire qui a mis le feu aux poudres porte un nom : The Crew. Ce jeu de course automobile développé par Ubisoft, lancé en 2014 avec fanfare, s’est brutalement éteint en avril 2024. Pas par usure naturelle ou désintérêt du public, mais par une décision purement comptable de son éditeur français.
« Ils ont simplement détruit ce que certains ont acheté. Ce n’est pas comme cela que la propriété doit fonctionner », regrettait Daniel Ondruska, porte-parole de l’ICE Stop Detroying Games, cité par Le Monde en août 2024.
Une bataille pour la préservation culturelle
Autrement dit, quand Ubisoft ferme ses serveurs, c’est toute une partie de l’histoire du jeu vidéo qui s’évapore, emportant avec elle les souvenirs et l’investissement financier de milliers de joueurs. La mobilisation dépasse largement le cadre du simple mécontentement consumériste.
Les organisateurs de la pétition ne demandent à ce que les éditeurs mettent en place un “plan de fin de vie” pour leurs titres, c’est-à-dire modifier leurs jeux juste avant la fermeture des serveurs pour qu’ils puissent continuer à fonctionner autrement, soit sur des serveurs gérés par la communauté, soit en mode hors ligne.
Cette solution présente l’avantage de respecter les contraintes économiques des éditeurs tout en préservant l’accès aux œuvres pour les générations futures. Car au-delà de la frustration immédiate des joueurs, c’est bien la question de la transmission culturelle qui se pose.