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La fracture territoriale en éducation, un défi pour l’avenir de la France

Les inégalités scolaires en France ne se réduisent pas aux écarts sociaux. Elles dessinent une véritable fracture territoriale, opposant métropoles et périphéries, grandes villes et petites communes. Derrière cette réalité se joue l’avenir de centaines de milliers de jeunes – et, avec lui, celui de la cohésion nationale.

Souvent décrite comme un pays centralisé, la France concentre l’essentiel de ses moyens dans les grandes villes. L’éducation n’échappe pas à cette logique. Les territoires ruraux et les petites communes apparaissent comme les grands oubliés des politiques publiques. Si les quartiers urbains en difficulté bénéficient de dispositifs d’éducation prioritaire, les campagnes restent largement en marge, alors qu’elles connaissent des taux de décrochage scolaire alarmants.

Huit des dix départements où ce décrochage est le plus élevé se situent en zone rurale. Les écarts apparaissent dès l’école primaire et se renforcent au collège. Dans certains bourgs, un enfant sur trois quitte le système éducatif sans diplôme. Ces réalités, moins visibles que celles des banlieues, demeurent souvent en dehors des radars médiatiques et politiques.

Ces inégalités éducatives dépassent largement les murs de l’école. Elles hypothèquent directement l’avenir professionnel des jeunes. Sans diplôme ni formation solide, l’insertion sur le marché du travail devient un véritable parcours d’obstacles. Dans des régions déjà fragilisées par la désindustrialisation ou la désertification économique, ce décrochage massif accentue la spirale de la précarité.

Cette situation réduit aussi l’attractivité de ces territoires. Nombre de familles, soucieuses de l’avenir scolaire de leurs enfants, préfèrent s’installer dans des zones mieux dotées en infrastructures éducatives. La fracture territoriale s’alimente ainsi d’un cercle vicieux : moins d’élèves, donc moins de ressources, donc moins d’opportunités… et une jeunesse qui perd confiance en son avenir.

Face à ce constat, certaines initiatives ouvrent des perspectives. L’association Excellence Ruralités, fondée en 2017, s’est donné pour mission de briser cette fatalité. En créant des écoles dans les petites villes et les campagnes, elle propose aux enfants des territoires défavorisés un cadre scolaire exigeant, adapté à leurs besoins spécifiques. Le modèle d’Excellence Ruralités repose sur des classes à effectifs réduits, un suivi individualisé et une relation de proximité avec les familles.

Les résultats parlent d’eux-mêmes : à La Fère, dans l’Aisne, où le décrochage atteignait 37 % en 2017, les élèves d’Excellence Ruralités obtiennent désormais le brevet avec les mêmes résultats que les élèves des zones les plus favorisées du pays. La preuve qu’aucun territoire n’est condamné à l’échec. Au-delà de ses réussites concrètes, Excellence Ruralités joue aussi un rôle de laboratoire d’idées. Ses écoles montrent que les politiques publiques peuvent s’inspirer de solutions locales pour mieux répondre aux défis éducatifs de la France périphérique.

Mais quelques initiatives, aussi exemplaires soient-elles, ne suffiront pas à combler les écarts. La fracture territoriale en éducation doit être pensée et traitée à l’échelle nationale. Chaque enfant, qu’il vive dans une métropole, une petite commune ou un village reculé, doit pouvoir accéder à une école à la fois exigeante et bienveillante. Cela suppose une reconnaissance institutionnelle des besoins propres aux campagnes, un investissement durable pour réduire les effectifs et renforcer l’accompagnement, ainsi qu’une meilleure valorisation des enseignants qui s’engagent dans ces territoires.

Le débat sur les inégalités scolaires ne peut plus se limiter à la seule dimension sociale. Il doit intégrer pleinement la dimension territoriale. En négligeant les petites villes et les campagnes, c’est une part entière de la jeunesse française qui se retrouve laissée pour compte. Excellence Ruralités l’a démontré : avec de la volonté, des moyens adaptés et une pédagogie innovante, il est possible de transformer le destin de ces enfants. L’enjeu est désormais de faire de cette réussite un modèle à grande échelle. Car l’école n’est pas seulement un lieu d’apprentissage : elle est aussi la clé de la cohésion nationale et du redressement de nos territoires.

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