France : des militaires préoccupés par un possible délitement de l’Etat
8 mai 2021
Après une première tribune controversée en avril, d’anciens militaires français préparent un nouveau texte pour attirer l’attention du gouvernement sur un probable délitement de l’Etat. Cette fois, les signataires devraient être plus nombreux, jusqu’à 2000, selon la direction du magazine Valeurs Actuelles à nouveau sollicité pour publier le texte.
En avril dernier, ils avaient déjà signé une première tribune dans l’hebdomadaire Valeurs Actuelles pour dénoncer une décomposition avancée de l’Etat français. Cette action avait indigné le gouvernement et certains partis politiques. Quelques semaines plus tard, ils rembobinent. En effet, d’anciens militaires français s’apprêtent à produire un deuxième texte pour insister sur cette menace qui guetterait notre pays. « C’est une nouvelle tribune, cette fois-ci de militaires d’active, qui ont pensé à nous pour la publier parce qu’on avait publié » la tribune précédente, a indiqué à l’AFP Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction du magazine, qui précise que les auteurs souhaitent rester anonymes.
« Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants »
Selon M. Lejeune, il faudrait s’attendre à des centaines voire jusqu’à 2000 signatures. Le texte circulerait déjà au sein des troupes depuis quelques jours. Le directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles affirme cependant que la tribune doit d’abord remplir certaines conditions avant de paraître dans ses colonnes. Elle doit lui parvenir dans sa version définitive et prouver l’exactitude du nombre de ses signataires, tout en protégeant le respect de leur anonymat, dit-il.
Valeurs Actuelles avait publié le 21 avril une première tribune controversée signée par une vingtaine de Généraux, une centaine de hauts gradés et plus d’un millier de militaires de rang. Intitulée « Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants », elle dénonce des dégradations supposées de la société française et interpelle le président Emmanuel Macron sur la nécessité de défendre le patriotisme.
Trois délitements mentionnés par les anciens militaires
Le texte évoque précisément trois dangers. D’abord la guerre raciale qui pointe à l’horizon avec notamment des individus qui s’en prennent aux statues. Une référence aux débats sur l’héritage de l’esclavage et du colonialisme. Ensuite l’islamisme et ses hordes dans la banlieue, qui transformeraient des parcelles de la nation française en territoires soumis à des dogmes contraires à notre constitution. Une conséquence serait l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie décapité en octobre 2020 pour avoir montré des caricatures de Mahomet en classe. Enfin, l’utilisation excessive de la force par l’Etat contre des citoyens français, surtout les Gilets jaunes.
Si rien n’est fait « le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national (…) Demain la guerre civile mettra un terme à ce chaos croissant, et les morts, dont vous porterez la responsabilité, se compteront par milliers », mettent en garde les auteurs. Sans surprise, la présidente du Rassemblement National, Marine Le Pen a salué cette tribune des anciens militaires et les a invités à la rejoindre pour la présidentielle de 2022, dans une lettre publiée vendredi.
Des appels aux sanctions fusent de partout
En revanche, « Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants » a provoqué l’indignation d’une bonne partie de la classe politique française, qui condamne un appel à l’insurrection. Le Premier ministre Jean Castex a parlé d’une initiative contraire à tous nos principes républicains. Il a également accusé Marine Le Pen de faire de la récupération politique. De son côté, la ministre des Armées Florence Parly a traité la tribune « irresponsable » et promis des sanctions contre ses auteurs. Quant au Général Lecointre, il souhaite la mise à la retraite des quatre Généraux d’active figurant sur la liste des signataires.
Enfin, Jean-Luc Mélenchon et des députés de La France insoumise (LFI) ont demandé au procureur de Paris d’engager des poursuites contre les auteurs et diffuseurs du document. Ils pointent une « provocation à la désobéissance de militaires », contraire aux lois françaises. Mais le procureur de Paris, Rémy Heitz, ne voit pas matière à poursuites pénales. Il estime qu’« aucune infraction pénale » n’est constatée dans le texte. Celui-ci ne contiendrait pas « d’appel à la haine, à la discrimination ou à la violence », écrit le Procureur.