La solution de l’architecture en Iran pour lutter contre le réchauffement

La solution de l’architecture en Iran pour lutter contre le réchauffement

24 août 2023 0 Par Guillaume

La ville antique de Yazd en Iran a trouvé une solution ingénieuse pour faire face aux températures extrêmes qui dépassent souvent les 40 degrés. Grâce aux badguirs, des tours traditionnelles élégantes situées sur les toits plats du centre historique, la ville dispose de climatiseurs “naturels”. Ces tours à vent, les ancêtres écologiques de la climatisation, intéressent désormais les architectes qui cherchent des solutions durables pour affronter les défis environnementaux.

Yazd, située près de la Route de la Soie, est l’une des villes les plus chaudes au monde, entourée de deux déserts. Malgré ses étés brûlants et les pluies très rares, les habitants de Yazd ont su s’adapter en utilisant des méthodes inventées il y a plus de 2 500 ans, à l’époque où l’empire perse régnait sur la région du Moyen-Orient.

L’Unesco a reconnu l’importance de Yazd en l’inscrivant dès 2017 sur la liste du Patrimoine mondial. La ville de 530 000 habitants est considérée comme un “témoignage vivant de l’utilisation intelligente des ressources disponibles limitées nécessaires à la survie dans le désert”. Elle constitue également une source d’inspiration pour les architectes cherchant à relever les défis de la durabilité dans la nouvelle architecture.

Des badguirs pour attraper le vent

Yazd est une ville renommée pour ses 700 badguirs, des tours traditionnelles et élégantes qui ornent les toits plats de son centre historique.

Ces badguirs ont joué un rôle crucial dans la vie prospère de la ville pendant des siècles, bien avant l’apparition de l’électricité. Ils servaient à rafraîchir les habitations et offraient un confort de vie appréciable. Selon Abdolmajid Shakeri, responsable du ministère du Patrimoine de la province de Yazd, ces tours permettaient aux gens de vivre confortablement.

Ces structures ressemblent à des cheminées à quatre côtés, avec de grandes fentes verticales et plusieurs conduits à l’intérieur. Elles laissent entrer le moindre souffle d’air frais dans les maisons tout en évacuant l’air chaud sous pression.

Le processus de refroidissement par badguirs est entièrement écologique car il ne nécessite ni électricité ni matériaux polluants, souligne Majid Oloumi, directeur du jardin de Dowlat-Abad, où se trouve la plus haute badguir du monde, mesurant 33 mètres.

“Simplicité”

De plus en plus d’architectes à travers le monde s’inspirent de l’architecture bioclimatique des badguirs de Yazd, comme le Franco-Iranien Roland Dehghan Kamaraji basé à Paris, qui a minutieusement étudié leur fonctionnement.

Selon lui, les badguirs démontrent que la simplicité peut être un élément clé de la durabilité, remettant en question l’idée que les solutions durables doivent nécessairement être complexes ou high-tech.

Parmi les projets d’architecture bioclimatique les plus notables, il mentionne la Masdar City aux Émirats arabes unis, dont les bâtiments sont conçus pour bénéficier de la ventilation naturelle pour le refroidissement, tout comme les badguirs.

Le Council House 2 à Melbourne, en Australie, est également un immeuble avec un système de refroidissement passif, tout comme le Eastgate Centre à Harare, au Zimbabwe, qui s’inspire des termitières, une approche similaire à celle des badguirs. À Yazd, les tours et les maisons traditionnelles sont construites en pisé, un mélange d’argile et de terre crue, offrant une isolation thermique efficace.

La vieille ville de Yazd est bien préservée, organisée autour de ruelles étroites et de passages partiellement couverts appelés “sabats”, qui offrent une protection contre le soleil. Cela contraste avec les larges avenues de la ville moderne, qui sont rectilignes.

Malheureusement, selon Majid Oloumi, l’héritage architectural de Yazd a été oublié, notamment avec l’avènement des climatiseurs. Aujourd’hui, les maisons construites avec des méthodes importées d’autres pays et utilisant du ciment ne correspondent pas au climat de Yazd.

À l’échelle internationale, Roland Dehghan Kamaraji constate que de nombreux projets d’architecture bioclimatique sont encore entravés par les contraintes économiques et les normes établies par l’industrie, qui privilégient toujours largement l’utilisation de matériaux gourmands en énergies fossiles.

Des galeries souterraines reliées à l’eau des montagnes

Les experts s’intéressent également à une autre caractéristique emblématique de Yazd : les “qanats”, des galeries souterraines étroites qui acheminent l’eau des montagnes ou des nappes souterraines vers les zones habitées.

Certains de ces aqueducs souterrains ont été construits il y a plus de 2 000 ans et jouent un rôle essentiel en fournissant de l’eau et en permettant le rafraîchissement des habitations, ainsi que la conservation des denrées alimentaires à des températures idéales. Zohreh Montazer, spécialiste des qanats de Yazd, explique que ces structures souterraines ont une grande importance dans la région.

Le nombre de qanats en Iran était d’environ 50 000 au milieu du XXe siècle, mais ce nombre a diminué pour atteindre environ 33 000 en raison de la baisse des nappes phréatiques causée par la surconsommation d’eau. Pour préserver cet héritage, le gouvernement iranien a entrepris la restauration du plus long et ancien qanat du pays, celui de Zarch, qui s’étend sur plus de 70 km dans la province de Yazd.

Partiellement ouvert aux visites, ce boyau étroit sensibilise les habitants aux défis futurs. Zohreh Montazer met en garde contre l’épuisement des énergies fossiles et souligne que revenir aux méthodes traditionnelles qui ont déjà fait leurs preuves à Yazd sera essentiel à l’avenir.