
Sur Snapchat, la fonctionnalité qui tourmente les ados
16 mars 2025La technique permettant de consulter un message sans en informer l’expéditeur est devenue un baromètre de la solidité des relations entre jeunes sur le réseau social de messagerie éphémère.
Qui aurait cru qu’une simple fonctionnalité technique pouvait devenir une source profonde d’anxiété et de tourments émotionnels ? C’est pourtant exactement ce qui se produit avec le “half-swipe” sur Snapchat, la plateforme américaine de partage de messages éphémères.
Cette fonctionnalité présente depuis plusieurs années, mais dont l’impact social s’est amplifié récemment, permet aux utilisateurs de lire discrètement un message sans que l’expéditeur n’en soit notifié. Selon une récente enquête du Wall Street Journal (WSJ), cette pratique transforme progressivement les échanges numériques en véritables champs de mines émotionnels.
Aux États-Unis particulièrement, de nombreux adolescents se retrouvent prisonniers d’un cercle anxiogène, incapables de déterminer si leurs destinataires ont consulté leurs messages sans y répondre. Cette incertitude s’avère particulièrement troublante, car peu de personnes apprécient de voir leurs communications délibérément ignorées par leurs correspondants.
Ce phénomène, désormais qualifié de “micro-ghosting” – l’action de lire les messages tout en s’abstenant délibérément d’y répondre – empoisonne de plus en plus les relations interpersonnelles, et tout particulièrement les interactions amoureuses entre adolescents.
De la vulnérabilité féminine
“Les relations amoureuses et les discussions avec les garçons sont déjà tellement compliquées. Il est difficile de comprendre ce qu’ils ressentent pour vous. Le half-swipe ne fait qu’amplifier toutes ces incertitudes avant même que quoi que ce soit n’ait commencé”, explique au WSJ, Elke Thorsen, 15 ans, de Darien dans le Connecticut.
Elle Liemandt, une adolescente de 16 ans basée à Austin et influenceuse spécialisée dans la communication des conseils amoureux sur l’application TikTok témoigne avoir été victime du half-swipe “plus de fois qu’elle ne peut compter”.
Elle considère ainsi cette pratique comme l’un des aspects les plus toxiques des relations adolescentes. “Bien avant l’avènement des réseaux sociaux, nous savions que les adolescentes sont plus susceptibles d’être affectées par le stress interpersonnel que les garçons“, indique Sophia Choukas-Bradley, directrice du laboratoire sur les adolescents et jeunes adultes à l’Université de Pittsburgh.
Un cercle vicieux
“Socialisées dès leur plus jeune âge pour être attentives aux besoins des autres, elles développent une hypersensibilité aux signaux de rejet ou d’indifférence“, ajoute la spécialiste, expliquant pourquoi les utilisateurs de sexe masculin ont moins tendance à se plaindre, même si eux aussi ne sont pas épargnés par le half-swiping.
Une fonctionnalité qui visait initialement, d’après une porte-parole de Snapchat citée par le WSJ, à réduire la pression ressentie par les utilisateurs pour répondre immédiatement aux messages. Pour contrer le phénomène, l’application a introduit fin 2023 les abonnements Snapchat+.
Cette contre-mesure permet aux abonnés, moyennant quatre dollars par mois, de détecter quand quelqu’un les “half-swipe”. De quoi engendrer de nouveaux problèmes. Pour cause, les adeptes du half-swipe craignent désormais d’être démasqués. Quant aux expéditeurs, avoir la confirmation d’être délibérément ignorés peut accentuer l’anxiété.