À Serez, fronde contre le “digestat parisien”

À Serez, fronde contre le “digestat parisien”

23 mars 2025 0 Par La rédaction

Les habitants de la modeste commune du département de l’Eure contestent le projet de stockage des résidus de méthanisation dans leur localité par Paprec, le spécialiste du recyclage.

“Serez n’est pas la poubelle de l’Île-de-France”. Derrière cette formule-choc affichée sur une banderole dressée devant la mairie de cette commune normande, se dessine une opposition grandissante à un projet pourtant présenté comme vertueux.

Il prévoit l’épandage, sur les terres agricoles locales, de matières organiques issues de la méthanisation de déchets à Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine. Soit 15 000 tonnes annuelles de digestat, cette matière organique riche en nutriments utilisables comme fertilisant agricole, sur un total de 43 000 tonnes à produire d’ici 2030.

L’opération, gérée par Paprec, géant du recyclage et de la valorisation, s’inscrit dans un programme plus large visant à produire 30 000 MWh par an grâce à la valorisation des déchets alimentaires franciliens.

Cette perspective a déclenché une vive mobilisation à Serez, où frustration et colère se mêlent désormais. Les habitants ont le sentiment d’être ignorés dans ce dossier, malgré les arguments d’Éric Cesari, président du syndicat en charge du traitement des ordures ménagères de Paris, qui rappelle que “ces déchets sont une source d’énergie”.

« Pourquoi chez nous ? »

“Nous avons découvert le projet de Natup [la coopérative agricole partenaire] sans concertation. Pourquoi chez nous alors qu’il y a aussi des terres agricoles en Île-de-France ? Pourquoi les expédier chez nous alors que les Franciliens les ont refusés ?”, se demande Jean-Marc Baudin, président de l’Association de protection de la ruralité à Serez et ses alentours, cité par Le Parisien.

Ces propos viennent en écho à une frustration qui prend de l’ampleur et fédère bien au-delà des limites de la petite commune. Selon le quotidien francilien, les vingt maires des communes concernées par le plan d’épandage ont manifesté leur opposition.

Il en est de même de Guy Lefrand, président de l’intercommunalité d’Évreux Portes de Normandie ; ainsi que des personnalités politiques de premier plan, comme Hervé Morin, président de la région Normandie, et le sénateur Hervé Maurey.

Le revers du vertueux

Pour les opposants, ce n’est pas tant le principe même de la méthanisation qui pose problème que l’absurdité logistique du dispositif envisagé. Le digestat, transporté d’abord par voie fluviale jusqu’au port de Limay dans les Yvelines, devrait ensuite parcourir environ 45 kilomètres par la route jusqu’à Serez.

“800 à 900 camions feraient des allers-retours entre les deux communes. En plus de la pollution atmosphérique générée par les échappements, il va y avoir l’usure de nos petites routes et les ornières creusées sur les rives”, s’alarme Jean-Marc Baudin.

Qui parle des nuisances visuelles, olfactives ou encore sonores et du prix de l’immobilier qui va s’effondrer ? Des habitants auront même des cuves comme celles d’hydrocarbures devant leurs fenêtres“, poursuit-il, redoutant également les impacts sur la qualité de vie.

Nous n’avons rien à dire parce que nous sommes des ruraux, des campagnards ?“, s’indigne encore Jean-Marc Baudin, alors que Laurent Lemarchand, directeur général de Natup prône une démarche d’ouverture afin “d’atténuer les choses au maximum”, d’après Actu.fr.