
En Colombie, haro sur Veolia !
30 mars 2025 0 Par La rédactionLa multinationale française est accusée de pratiques écologiques alarmantes dans sa décharge située près de la ville de Barrancabermeja.
Ou comment une entreprise spécialiste des services environnementaux nuit à… l’environnement. C’est en tout cas la conviction des habitants de Barrancabermeja, localité connue comme la “capitale pétrolière de la Colombie”.
Depuis 2018, le groupe français qui se targue de “rénover le monde” serait responsable de déversements toxiques dans une zone humide protégée près de cette ville localisée à 400 kilomètres au nord de Bogota, la capitale. De quoi mettre en danger les écosystèmes locaux et la santé de milliers d’habitants.
« Depuis dix ans, la décharge contamine les sols de la région et les eaux de la ville. Et Veolia, qui s’enrichit sur notre dos, s’en contrefout », peste Catalina Bernal, une habitante de 28 ans interrogée par Le Monde, au sujet de cette infrastructure créée en 2014, alors qu’un nouveau rapport accable le géant tricolore.
Publié jeudi 27 mars 2025 par l’ONG internationale Global Witness, il documente, preuves vidéo à l’appui, comment des employés de la décharge déversent régulièrement des lixiviats directement dans les cours d’eau environnants.
Des métaux lourds et des enfants sans cerveau
Encore appelés “jus de décharge”, il s’agit de résidus liquides non traités et hautement toxiques, posant des défis environnementaux importants à cause de leur pouvoir de contamination des nappes phréatiques et des eaux de surface.
À cet effet, les analyses réalisées par Global Witness en septembre 2024 sur des échantillons de sédiments prélevés en septembre 2024 en aval des points de déversement révèlent des concentrations alarmantes de métaux lourds.
Le mercure notamment dépasse de 25 fois les limites considérées comme sûres, d’après les normes canadiennes. Le chrome (associé au cancer et aux lésions hépatiques et rénales), le plomb (lié aux lésions nerveuses et cérébrales), et le manganèse (qui peut endommager les poumons) ont également été détectés.
Le Dr Yesid Blanco, ancien chef de l’unité pédiatrique de l’hôpital local, a d’ailleurs signalé par le passé, une augmentation inquiétante des malformations congénitales dans la région. “En deux ans, j’ai vu cinq cas d’anencéphalie“, témoigne-t-il aujourd’hui auprès de Global Witness, évoquant ces tragiques naissances de “bébés sans cerveau”, et une maladie cutanée rare connue sous le nom de syndrome de Job.
Justice bafouée et populations abandonnées
Le médecin victime des menaces de mort à cause de ses dénonciations vit désormais en exil. Une réalité qui rappelle le triste record de la Colombie, pays où sont assassinés le plus grand nombre de défenseurs de l’environnement au monde, selon le recensement annuel de l’ONG britannique.
L’histoire de la décharge incriminée est marquée par l’illégalité. “Le permis environnemental a été concédé par une fonctionnaire aujourd’hui en prison pour corruption,” précise le Dr Blanco. La Cour suprême colombienne avait pourtant exigé de Rediba, alors propriétaire de la décharge, l’installation d’une usine de traitement des résidus, en 2017 suite aux mobilisations des défenseurs locaux.
L’arrêt imposait également à l’entreprise de mettre en place un réseau d’eau potable pour les habitants du hameau voisin de Patio Bonito. Mais Veolia, qui a racheté la décharge en 2018, n’a manifestement pas respecté ces obligations, malgré ses affirmations contraires.
Confrontée aux accusations, Veolia nie que les déversements de lixiviats observés dans les vidéos puissent être à l’origine de la contamination aux métaux lourds révélée par les tests. L’entreprise met en avant ses propres résultats de surveillance du site, qui n’ont détecté “aucune présence de mercure”.