Philippe Pelletier (Président du Plan Bâtiment Durable) : répondre “en même temps, aux enjeux économiques, sociaux et écologiques.”
17 décembre 2019Depuis 2012, Philippe Pelletier est à la tête du Plan Bâtiment Durable (PBD), après avoir conduit le Plan Bâtiment Grenelle de 2009 à 2012. Aujourd’hui, l’organisation fait de la rénovation énergétique et de la lutte contre la précarité énergétique son cheval de bataille. Acteur majeur de la transition énergétique et environnementale des bâtiments, le Plan Bâtiment Durable se trouve aujourd’hui au carrefour des grandes mutations, et notamment la digitalisation.
Quel est le rôle du Plan Bâtiment Durable ? Quelles sont ses missions et son action en matière d’amélioration de la performance énergétique et environnementale des bâtiments ?
Philippe Pelletier – Le Plan Bâtiment Durable a été lancé par les pouvoirs publics au lendemain du Grenelle de l’environnement en 2009. C’est à ce moment que le bâtiment a été identifié comme secteur prioritaire de l’action pour atteindre les objectifs de la transition énergétique : il est alors apparu nécessaire de mobiliser la filière dans son ensemble et sur le temps long. Depuis plus de dix ans, le Plan Bâtiment Durable fédère ainsi un large réseau d’acteurs du bâtiment et de l’immobilier autour d’une mission commune : favoriser l’atteinte des objectifs d’efficacité énergétique et environnementale des bâtiments. Le Plan Bâtiment Durable travaille sur l’ensemble du parc bâti, résidentiel et tertiaire, public et privé, sur les champs de la construction comme de la rénovation. Notre spécificité est de parler aussi bien aux acteurs du bâtiment que de l’immobilier. Au quotidien, l’équipe assure la concertation permanente entre les acteurs, publics et privés, au plan national comme régional, et témoigne de la mobilisation continue des acteurs. Depuis 2009, ce sont près de quarante groupes de travail qui ont été lancés, mobilisant des milliers de personnes : le Plan Bâtiment Durable est ainsi force de proposition auprès des pouvoirs publics. Ces derniers mois, le Plan Bâtiment Durable a été sollicité de manière croissante par l’administration pour l’accompagner dans la mise en œuvre des objectifs et actions du plan de rénovation énergétique. L’équipe permanente apporte alors sa connaissance des acteurs, des initiatives à l’œuvre au plan national comme sur les territoires, et surtout sa transversalité. Sa vision d’ensemble lui permet ainsi de repérer les interactions au sein des multiples dossiers à l’œuvre actuellement. En conséquence, l’ensemble de notre action est dédié à l’amélioration de la performance énergétique et environnementale des bâtiments, tant dans le secteur de la construction neuve que dans celui de la rénovation. Notre approche est différente suivant les moments et les sujets : boîte à idées, accélération de la prise de conscience, en général ou autour d’un thème, ajustement de la politique publique déjà en place, appui à des travaux en cours, mise en relation des acteurs. Le Plan Bâtiment se distingue ainsi par la grande diversité de son action, de ses partenaires, ce qui en fait un acteur très agile dans l’écosystème dense de la filière bâtiment, immobilier et énergie.
Quelles sont selon vous les composantes clés d’un bâtiment durable ?
P. P. – Il est essentiel de se référer à la définition même de développement durable, c’est-à-dire un développement qui répond, en même temps, aux enjeux économiques, sociaux et écologiques. Par analogie, le bâtiment durable est un bâtiment qui limite son impact sur l’environnement (faible consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre), qui répond à un besoin social et sociétal essentiel (se loger, disposer d’un local d’activité confortable et dénué de désordres et de pathologies), et enfin qui est économiquement supportable par les utilisateurs (maîtrise des charges d’énergie ou production d’énergie, notamment). En somme, le bâtiment durable apparaît comme l’une des solutions essentielles pour participer à notre ambition collective de lutter contre le réchauffement climatique en préservant les générations futures.
De quelle manière la prise en compte des enjeux de développement durable liés aux bâtiments a évolué sur cette même période ?
P. P. – De la même manière, les enjeux de développement durable se sont développés dans le secteur du bâtiment. En une décennie, nous avons connu l’entrée en vigueur d’une nouvelle réglementation thermique ambitieuse, la RT 2012 et la préparation de la réglementation suivante, tout aussi innovante que la précédente, puisqu’elle devient environnementale (RE) en intégrant à la fois l’énergie positive et la sobriété carbone. De manière analogue, du côté de la rénovation, les dix dernières années ont préparé l’entrée de l’obligation de rénovation énergétique dans le parc tertiaire. Le décret d’application de la loi ELAN vient de paraître et il consacre la notion « d’actions de la réduction de consommation d’énergie finale ». Avec cette notion « d’actions », préférée à la référence initiale aux « travaux », et la mention « d’énergie finale », l’ensemble des technologies dites d’efficacité énergétique active du bâtiment sont pleinement intégrées et valorisées dans les étapes d’amélioration énergétique des ensembles tertiaires. Ainsi, la technologie numérique apparaît comme un atout indispensable pour développer des bâtiments durables.
Le label E+C-, en cours d’expérimentation, pose les jalons de la RE 2020. Quelles en seront les idées-forces ?
P. P. – L’expérimentation E+C- (énergie positive et sobriété carbone) préfigure la future réglementation environnementale (RE 2020) de la construction, en incluant pour la première fois des objectifs de réduction carbone de l’ouvrage tout au long du cycle de vie, en complément des objectifs d’efficacité énergétique déjà posés dans les précédentes réglementations. La méthode retenue est novatrice : l’expérimentation est co-conduite par l’État et les professionnels et permettra d’ajuster le référentiel en fonction des retours d’expérience afin d’avoir une réglementation adaptée, sur le volet tant technique qu’économique. En conséquence, aux côtés des professionnels, je plaide pour prendre le temps d’analyser les premiers bâtiments réalisés tout en continuant à susciter de nouveaux projets afin d’alimenter l’observatoire de l’expérimentation. Ce sont ces retours d’expérience riches d’enseignements, et les évolutions du référentiel « Énergie-Carbone » qui en découlent, qui permettront de construire la future réglementation. Cette co-construction de la règle future permet d’assurer l’adhésion des professionnels et la pertinence des ouvrages. Les différents seuils et modulations techniques sont en cours de définition par l’administration et les différents groupes d’experts qui l’accompagnent, mais nous connaissons déjà les lignes-forces de ces futurs bâtiments : une sobriété énergétique accompagnée d’une production d’énergie locale pour rendre le bâtiment à énergie positive, une sobriété carbone du bâtiment appréhendée sur l’ensemble de son cycle de vie. Avec ces quelques lignes-forces, on imagine déjà les enjeux en matière de formation et d’acculturation sur le comptage du carbone, sur le développement des analyses en cycle de vie, sur la capacité à produire de l’énergie.