
Le Nobel de la paix a-t-il fuité ?
11 octobre 2025Le comité responsable de l’attribution du prix ouvre une enquête après des mouvements de paris inhabituels sur une plateforme spécialisée quelques heures avant la révélation du lauréat.
L’institut norvégien chargé du Nobel de la paix, réputé pour son secret absolu, se serait-il compromis ? C’est ce qu’il tente désormais de tirer au clair avec l’ouverture d’une investigation concernant l’attribution du prix cette année.
« Nous devons examiner à fond ce qui s’est passé et, si nécessaire, renforcer encore davantage la sécurité », a annoncé son président Jørgen Watne Frydnes le 10 octobre, en référence à une suspicion de fuite entourant le nom de la lauréate María Corina Machado.
L’opposante vénézuélienne a été désignée le même jour pour son « travail infatigable en faveur des droits démocratiques du peuple vénézuélien et pour sa lutte en faveur d’une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie », déjouant tous les pronostics.
Excepté peut-être celui d’un mystérieux trader, identifié sous le pseudonyme « 6741 », sur la plateforme de paris en ligne Polymarket. Celui-ci a en effet placé un pari de 1 500 dollars en faveur de Machado tout en misant simultanément 1 085 dollars contre l’un des favoris, les Emergency Response Rooms du Soudan, d’après le Financial Times (FT).
De l’espionnage ?
Ce mouvement, suivi par d’autres paris massifs en l’espace de quelques minutes seulement avant l’annonce officielle du comité Nobel, a attiré l’attention. D’autant que la future lauréate a vu ses chances passer de 3,75% à près de 73,5%.
Preuve de l’envolée spectaculaire de la cote de María Corina Machado, Yulia Navalnaya, veuve du défunt leader de l’opposition russe Alexeï Navalny, était la favorite sur Polymarket la veille avec environ 9%, tandis que Trump était crédité de 4,4%. Le marché donnait à la Vénézuélienne une chance de victoire de seulement 0,6%.
“Il est hautement probable qu’il s’agisse d’espionnage”, a d’emblée déclaré à la télévision norvégienne TV2, Christian Berg Harpviken, directeur de l’Institut Nobel norvégien et secrétaire du comité, alors que l’affaire fait la Une de la presse locale et au-delà.
Une menace constante pour l’intégrité du Nobel
Jørgen Watne Frydnes a néanmoins souligné le caractère fondamental de l’intégrité du processus. Même si l’espionnage représente « une menace constante pour l’institution depuis des décennies », seules cinq personnes — les membres du comité — ont accès au nom du lauréat avant l’annonce officielle.
D’après le FT, María Corina Machado n’a été informée par téléphone que quelques minutes avant la révélation publique. Des soupçons de fuites ont déjà émergé par le passé. Certains médias norvégiens avaient, par exemple, annoncé à l’avance les victoires de Barack Obama et de l’Union européenne, mais aucun cas n’a été confirmé ces dernières années.
En octobre 2023, Hans Allegrin, secrétaire général de l’Académie suédoise, avait d’ailleurs dû présenter des excuses après la diffusion prématurée d’un communiqué annonçant les lauréats du prix Nobel de chimie.