Souveraineté alimentaire : l’agriculture française mal en point !
15 décembre 2020
Fierté de l’Hexagone depuis des années, l’agriculture française vit actuellement une mauvaise passe. En cause, le désintérêt des jeunes pour les métiers agricoles et le désarroi des producteurs, de plus en plus tentés par le suicide.
« Un agriculteur sur deux va prendre sa retraite en 2026 »
En France, l’agriculture ne représente que 3,5% du PIB et 527.000 exploitants mais, en termes de production, elle occupe la première place au niveau européen et la troisième au niveau mondial. Cette filière fait aussi de la France, la deuxième exportatrice mondiale de produits agricoles et alimentaires derrière les Etats-Unis. Une fierté donc, mais qui enregistre enregistre une baisse de production ces dernières années.
Cette situation s’explique notamment par le désintérêt des jeunes pour les métiers agricoles, alors que le vieillissement des paysans français s’accentue. L’âge moyen de la profession s’établit aujourd’hui à 52 ans et ne cesse d’augmenter. Conséquence : « Un agriculteur sur deux va prendre sa retraite en 2026, et, actuellement, les deux tiers d’entre eux n’ont aucune solution pour la reprise de leur exploitation, ni enfants ni voisin qui veulent reprendre son entreprise », indique François-Etienne Mercier, vice-président des Jeunes Agriculteurs.
Une filière contraignante et moins rémunérée
Les jeunes se détournent de l’agriculture pour l’image qu’elle dégage, celle d’une filière ringarde et très contraignante. Dans un élevage par exemple, l’astreinte est très importante, alors que la société est aux 35 heures. Dans ce cadre, un jeune agriculteur n’a pas forcément envie de travailler 7/7 dans une exploitation d’autant qu’il gagne peu par rapport aux autres métiers plus « classes ». Pis, les transformateurs, directeurs et employés de grande distribution touchent des salaires qui font palir d’envie les producteurs.
Des travailleurs étrangers de plus en plus nombreux
Pour combler le manque de main d’œuvre, les agriculteurs se tournent vers les travailleurs étrangers, notamment les ressortissants de pays voisins comme l’Espagne et ceux d’Afrique du nord. De plus en plus, ils se fournissent aussi dans le lot de migrants d’Afrique subsaharienne. Mais cela ne résout pas tous leurs problèmes et ne pérennisera pas l’agriculture française. Tant que les producteurs vendront leurs produits à peu près au même prix qu’il y a 30 ans – avec des charges de 2020 – aucun jeune ne voudra mettre les pieds dans une exploitation. Par ailleurs, ils font face à une pesante fiscalité agricole qui ne leur permet pas d’investir dans du matériel pour alléger leur charge de travail ou embaucher le personnel nécessaire.
Hausse des suicides dans le monde paysan
Accablés par autant de soucis, les agriculteurs ont le moral très bas. Ce qui les pousse très souvent au drame. Selon les statistiques les plus récentes rendues publiques par la sécurité sociale agricole, la MSA, on dénombrait 372 suicides d’exploitants agricoles en 2015, soit plus d’un par jour. Pour lutter contre ce fléau, le député LREM du Villeneuvois (Lot-et-Garonne), Olivier Damaisin a remis au premier ministre Jean Castex, le mardi 1er décembre 2020, un rapport qui propose des pistes de prévention. Il s’agit notamment de la création d’une plateforme téléphonique pour alerter sur la détresse psychologique des paysans et d’un appui sur la question foncière avec l’aide des SAFER (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) et des banques.
Un problème général en Europe
En plus de ces pistes, il faudra surtout améliorer les conditions de travail des agriculteurs, revoir la rémunération des prix des produits, et surtout moderniser l’image de leur filière auprès des jeunes. Le problème de l’agriculture n’est pas propre à la France. En Europe, les jeunes de moins de 35 ans ne représentent que 6 % des agriculteurs. Aussi, plus d’un tiers des fermes européennes sont gérées par des exploitants de plus de 65 ans. La Politique agricole commune (Pac) vise notamment à inverser cette tendance, sinon c’est la souveraineté alimentaire des pays de l’Union européenne qui sera compromise dans la prochaine décennie.