Écologie : quand l’idéologie conduit aux aberrations

Écologie : quand l’idéologie conduit aux aberrations

25 août 2023 0 Par Adrien Rimena

Des vidéos chocs montrant des excavatrices géantes dévaster la campagne allemande à la recherche de charbon, aux constats affligés pointant les abandons français en matière nucléaire, l’actualité met en évidence les innombrables incohérences d’une posture idéologique qui discrédite un combat pourtant essentiel pour nos sociétés, l’écologie.

 

À l’été 2022, la forêt de la Teste-de-Buch, en Gironde, était détruite par un incendie gigantesque : 5 700 ha de pins, plantés sur les dunes, partaient en fumée… Parmi les causes, un aménagement prévu pour lutter contre les incendies (élargissement de chemins pour faciliter l’accès aux pompiers, débroussaillage) avait été refusé par une association locale qui cogère la forêt, au nom du respect de la nature et des arbres… alors même qu’un rapport d’experts précisait : « si, comme cela est prévisible le climat devient plus chaud et plus sec, cette végétation fournira un combustible idéal… La réalisation de travaux est un impératif d’ordre public ». Aujourd’hui, il n’y a plus de forêt, il est trop tard pour la protéger. Cet exemple emblématique du jusqu’au-boutisme d’un certain écologisme pose question, alors qu’il est loin d’être un cas isolé.

Actions contre-productives et positions dogmatiques

 

Les activistes « écologistes » ne sont en effet pas avares en actions « coup de poing » illégales dont les conséquences sont en contradiction avec les buts poursuivis. Ainsi, sectionner en pleine nuit le tuyau d’irrigation d’un cultivateur de haricots bio, comme à Frontenay-Rohan-Rohan, dans les Deux-Sèvres, n’est certainement pas le meilleur moyen de lutter contre la surconsommation d’eau. Dans la même veine, peinturlurer en orange les murs du ministère de la Transition écologique, initiative des militants de Dernière Rénovation, est plutôt « contre-productif », comme le souligne le ministre Christophe Béchu, si l’on considère qu’il a fallu plus de 10.000 litres d’eau pour nettoyer.

 

Mais c’est certainement sur les questions énergétiques que les postures de certains écologistes sont les plus contestables. L’ordre intimé à la planète entière de passer aux énergies renouvelables pratiquement ex abrupto fait fi des réalités différentes, entre pays, entre continents. Ces écologistes-là sont opposés par principe au nucléaire, qui est pourtant une énergie décarbonée et fait partie des scénarios du GIEC pour atteindre la neutralité carbone. Ils sont vent debout contre le recours aux énergies fossiles au nom de la lutte contre le réchauffement climatique… quitte à laisser de fait les économies émergentes avoir recours au charbon, qui était encore en 2019 la première source de production d’électricité dans le monde, avec 36,7 % du total, en émettant deux fois plus de gaz à effet de serre que le gaz naturel liquéfié (GNL).

 

Ce dernier constituerait pourtant un pas en avant considérable pour de nombreux pays engagés dans la réduction réaliste de leurs émissions. En Inde, par exemple, le charbon est à l’origine de 73 % de la production d’électricité. Les émissions liées à la production d’énergie représentant 50 % des émissions du pays (au total 3,7 milliards de tonnes de CO2 / an). Le passage du charbon au GNL pour la production d’électricité permettrait donc de réduire d’environ 1,35 milliards de tonnes les émissions annuelles de CO2 du pays. Soit plus que les émissions totales du Japon par exemple (1,21 milliards de tonnes).

 

Outre cette absence de réalisme, ces écologistes sont empêtrés dans les injonctions paradoxales. Ils veulent des fermes photovoltaïques et des parcs éoliens, mais sans accepter la moindre atteinte aux écosystèmes que ces projets portent intrinsèquement. L’association Sea Sheperd s’oppose ainsi au projet d’éoliennes offshore de Saint-Brieuc, en Bretagne, au motif que la biodiversité des fonds marins serait menacée. Plusieurs parcs solaires en construction dans les Hautes-Alpes ou dans les landes de Gascogne sont également contestés par des militants écologistes au nom de la sauvegarde de la nature.

 

Avec de telles postures, le principe de réalité semble aboli : à moins d’opter pour la décroissance et de renoncer à notre mode de vie, choix politique pour lequel le peuple ne s’est pas prononcé, comment fait-on pour alimenter en énergie l’appareil socio-économique du pays ?

 

Ces postures de diabolisation nuisent donc à l’élaboration de solutions viables. Elles ont conduit au démantèlement partiel du parc nucléaire français. Elles mènent à stigmatiser tous les acteurs engagés dans l’exploitation des énergies fossiles et ceux qui les financent. Mais, dans la mesure où les énergies renouvelables ne sont pas disponibles en quantité suffisante, ces actions n’aboutissent qu’à faire monter les prix des énergies fossiles et finalement à gonfler les profits de ceux qui les produisent, nouvel effet paradoxal de visions hors-sol.

 

Après l’abandon du nucléaire et la fin du gaz russe, l’Allemagne retourne au charbon

 

L’exemple de l’Allemagne est à cet égard significatif. Sous la pression des Verts, mus par une tradition antinucléaire remontant à la Guerre froide, ce pays devenait en 2011, suite à la catastrophe de Fukushima, la première grande puissance industrielle à renoncer à l’énergie atomique. Mais la fourniture d’électricité provenant des énergies renouvelables, même si elle représente aujourd’hui 49 % de la production d’électricité, ne suffit pas à compenser cet abandon. Résultat : dans le contexte de crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine, l’Allemagne, très dépendante des exportations de gaz russe, n’a d’autre solution que de produire de l’électricité en utilisant le charbon. En juillet 2022, le gouvernement a ainsi annoncé la réouverture de dix centrales utilisant ce combustible.

 

C’est pourtant la source d’énergie la plus émettrice de gaz à effet de serre, mais aussi de pollutions au dioxyde de souffre, à l’oxyde d’azote (NOx) et aux particules fines. Selon une étude menée par l’ONG Sandbag, les émissions des centrales à charbon allemandes causent la mort prématurée de 4.200 personnes chaque année. Et l’exploitation du lignite outre-Rhin depuis les années 1970 est responsable de la destruction de dizaines de milliers d’hectares de forêt, de la démolition de 300 villages et du déplacement de 100.000 personnes.

 

Dans ce contexte, les verts, Greenpeace, et autres acteurs de la lutte contre le nucléaire, ont dû se livrer à diverses contorsions pour justifier le recours au charbon. « C’est amer, mais c’est indispensable pour diminuer notre consommation de gaz », affirme ainsi Robert Habeck, l’écologiste entré au gouvernement en décembre 2021 pour… bannir le charbon de l’économie allemande. Greenpeace Allemagne qualifie également ce choix d’« amer, mais inévitable ».

 

Pourtant, Greta Thunberg, icone mondiale de l’écologie, n’est pas de cet avis. Elle a même déclaré en octobre 2022 sur la chaîne publique ARD que l’Allemagne devrait continuer à faire tourner ses centrales nucléaires plutôt que de miser sur celles à charbon. Quelques jours après cette interview, le gouvernement allemand modifiait son calendrier en prolongeant jusqu’en avril 2023 deux des trois dernières centrales nucléaires encore en activité.

 

L’Europe à la recherche de solutions réalistes

 

Dans ce contexte agité et confus, l’UE s’efforce de trouver des solutions réalistes pour faire face à la disparition du gaz russe, ainsi qu’aux limites du gaz US – l’extraction  du gaz de schiste par fracturation hydraulique étant particulièrement néfaste pour l’environnement, et le GNL américain restant trop cher et peu disponible. Parmi les ressources alternatives, les pays européens lorgnent en particulier vers celles du Qatar. L’Allemagne a d’ailleurs eu tendance à faire cavalier seul sur ce dossier en signant avec ce pays, en novembre 2022, un accord prévoyant la fourniture de deux millions de tonnes de GNL sur quinze ans.

 

Des capacités supplémentaires de production de gaz existent, à des degrés divers de maturité, au Canada, au Qatar ou au Mozambique. La première cargaison de GNL en provenance du Mozambique est ainsi arrivée en Croatie en janvier dernier. D’autres devraient suivre prochainement en direction de l’Europe lorsque les problèmes sécuritaires auront été réglés dans ce pays. Intéressée, l’Union européenne a d’ailleurs voté des budgets supplémentaires pour aider à la résolution de cette question.

 

Face aux positions idéologiques de certains écologistes, les autorités judiciaires tendent également à faire preuve de réalisme. Le 19 janvier, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les recours déposés par Europe Ecologie – Les Verts contre le projet de terminal méthanier flottant du Havre.