Un sommet de l’Amazonie à moitié réussi

Un sommet de l’Amazonie à moitié réussi

1 septembre 2023 0 Par Guillaume

Récemment, s’est déroulé un rassemblement régional en Amazonie avec des résultats mitigés malgré le danger croissant du seuil critique. La préservation de la forêt amazonienne reste un impératif crucial. Tel était le but clairement énoncé lors du sommet régional qui s’est tenu au cours des deux derniers jours à Belém, dans le nord du Brésil. Les huit nations englobant une portion de la forêt amazonienne ont exprimé leur engagement à lutter contre la déforestation. Cependant, cet effort, bien qu’admirable, demeure encore nettement insuffisant pour préserver “le poumon vert” de la Terre.

La déforestation, principal danger pour l’Amazonie

Les dirigeants des huit nations de la région amazonienne (Brésil, Bolivie, Colombie, Guyana, Pérou, Venezuela, Équateur et Suriname) se sont réunis pendant deux jours lors du sommet de Belém dans le but de faire face à la menace grandissante de déforestation qui pèse sur l’Amazonie.

Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a affirmé lors de l’ouverture du sommet régional de Belém que “la forêt tropicale n’est pas un espace à conquérir ni un trésor à piller. C’est un terreau fertile de possibilités qui doit être cultivé”. Cette initiative a réuni les dirigeants des huit pays membres de l’Organisation du Traité de Coopération Amazonienne (OTCA), établie en 1995, les 8 et 9 août.

Les pays participants, à savoir le Brésil, la Bolivie, la Colombie, le Pérou, l’Équateur, le Guyana, le Suriname et le Venezuela, ont signé une déclaration commune officialisant la création d’une nouvelle coalition baptisée “Alliance amazonienne de lutte contre la déforestation”, dans le but de préserver la plus grande forêt du monde. Leur objectif est de “favoriser la coopération régionale pour combattre la déforestation et éviter que l’Amazonie ne franchisse un point de non-retour”.

Des représentants de la Norvège et de l’Allemagne, principaux contributeurs du Fonds Amazonie, ont également assisté à l’événement. Cependant, la France a été notablement absente malgré une invitation personnelle du président Lula à Emmanuel Macron. Seule l’ambassadrice de la France au Brésil, Brigitte Collet, a participé, même si la Guyane, qui est recouverte à 90 % par la forêt tropicale, constitue une partie stratégique du territoire amazonien.

Une longue attente et des divergences

Néanmoins, en dépit de la publication de cette déclaration commune à la suite de la première journée du sommet, les organisations environnementales demeurent partagées quant à son contenu. Ce document détaillé de 22 pages, comprenant pas moins de 113 points, exhorte à intensifier les efforts pour contenir la déforestation, incluant la mise en place d’un centre de coopération policière ciblant la lutte contre l’orpaillage. Toutefois, il s’avère en grande partie être un accord en apparence seulement, car de nombreuses divergences ont émergé lors de cette réunion, particulièrement entre la Colombie et le Brésil au sujet des projets d’exploration pétrolière en Amazonie.

“Nous ne pouvons pas clamer notre satisfaction à l’heure actuelle, étant donné qu’aucun objectif précis n’a été déclaré pour endiguer la déforestation. En conséquence, ces mesures ne suffiront pas à préserver la forêt”, explique Éric Moranval, en charge de la campagne Forêts chez Greenpeace France. Cependant, il souligne que “l’organisation de ce sommet est d’une importance cruciale, car elle survient après quatre années de dommages environnementaux au Brésil”. Durant la présidence de l’ancien leader brésilien Jair Bolsonaro, le taux de déforestation avait augmenté de 85 % entre 2018 et 2019. “Ainsi, nous assistons à un retour à une approche multilatérale en ce qui concerne la question de l’Amazonie”, se félicite cet expert auprès de Novethic. Au cours des sept premiers mois du mandat de Lula, la déforestation a déjà reculé de 42,5 % par rapport à la même période de l’année précédente, sous l’ère Bolsonaro.

Un « point de bascule » constamment plus proche de nous

Au cœur des discussions, un sujet préoccupant a dominé les débats : la menace imminente du “point de bascule” de l’Amazonie. Ce point critique correspond à la dévastation d’un cinquième de la forêt, un scénario qui pourrait entraîner sa transformation en savane. Les experts du Giec estiment que ce seuil critique, aussi appelé “point de non-retour”, pourrait être atteint d’ici 2050. Valéry Gond, directeur adjoint de l’Unité de recherche forêts et sociétés au Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (Cirad), confirme cette préoccupation lors d’une interview accordée à Novethic.

Valéry Gond met en garde : “Chaque jour qui passe nous rapproche davantage de ce point de bascule”. Il souligne que plus la déforestation s’intensifie, plus le cycle de l’eau de l’Amazonie est perturbé, augmentant ainsi le risque d’assèchement de cette région cruciale. Atteindre ce point de non-retour aurait des conséquences dramatiques, non seulement pour les populations locales et les activités agricoles, mais également pour l’ensemble du continent sud-américain. En effet, les précipitations qui arrosent le nord de l’Argentine, le sud du Brésil, le Paraguay et l’Uruguay proviennent en grande partie de l’Amazonie.

Cette situation est déjà perceptible dans le Mato Grosso, une région située dans la zone du Cerrado au sud du Brésil, où la culture de soja prédomine et est principalement destinée à l’exportation vers les marchés agricoles européens. “Face à l’incapacité d’étendre leurs cultures en Amazonie en raison des régulations de l’UE interdisant la commercialisation de produits issus de la déforestation, les agriculteurs se sont massivement tournés vers cette région”, explique Éric Moranval de Greenpeace France.

Ainsi, bien que ce sommet régional ait revêtu un caractère de préparation en vue des importantes réunions internationales sur le climat à venir, notamment la COP28 à Dubaï cet automne, et surtout la COP30 qui se tiendra également à Belém, le “poumon vert” de la planète peine à retrouver son souffle. Les pays membres de l’OTCA disposent de quelques mois pour s’accorder et faire front commun.

Il convient de souligner que la déforestation en Amazonie brésilienne a augmenté pour la troisième année consécutive, en grande partie en raison des politiques mises en place par le président Jair Bolsonaro. Pour rappel, l’Observatoire du Climat avait pointé du doigt le Brésil en affirmant que le pays avait caché ces conclusions sur le climat avant la COP26 qui s’était déroulé à Glasgow en 2021 !