Y a-t-il assez d’innovations vertes sur la planète ?

Y a-t-il assez d’innovations vertes sur la planète ?

20 mai 2024 0 Par La Rédac

D’après un récent rapport de l’Office européen des brevets, le Vieux continent compte le plus de brevets déposés pour des nouvelles technologies dites « propres », juste devant la Chine. Mais le déploiement de ces innovations pourrait être plus important s’il n’était pas ralenti par des problèmes d’accès aux financements. Alors, il y a-t-il assez d’innovations vertes dans le monde ? Réponse.

Près de 750 000 inventions liées à la dépollution de l’eau, à la décarbonation, à l’adaptation au réchauffement climatique ou encore aux alternatives aux plastiques ont été brevetées sur la planète en 25 ans. Le nombre de ces brevets de la « cleantech » s’est donc renforcé depuis 1997. En valeur absolue, on observe une accélération depuis 8 ans avec l’engouement autour des batteries ou de l’hydrogène, par exemple.

Chute du bas-carbone dans les innovations

La cadence des innovations ne serait toutefois pas assez rapide. Une étude de l’OCDE le regrettait en 2023. Le nombre de brevets pour les technologies climatiques a progressé beaucoup moins vite que les autres durant la décennie 2010, respectivement de 0,3% vs 4,6% chaque année depuis 2012. Conséquence : la part de innovations bas-carbone sur l’intégralité des inventions régresse, passant de 12,6% en 2010 à 9% il y a quatre ans. Hormis les batteries, tout le secteur est impacté, du transport, aux énergies renouvelables en passant par les mini-réseaux électriques.

Or, aux vues des préoccupations grandissantes sur l’environnement, et de la signature de l’accord de Paris en 2015, la tendance a de quoi étonner. Diverses hypothèses peuvent l’expliquer. « Les prix du pétrole ont été assez faibles durant la dernière décennie », précise le chargé de recherche en économie à l’Université Paris-Dauphine Mohamed Bahlali. Et dans ce contexte, « les entreprises sont moins incitées à innover pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles ». Pour Mr Bahlali, la seconde explication « serait davantage liée aux politiques climatiques. On a observé un ralentissement durant la dernière décennie. Par exemple, c’est autour des années 2010 que les tarifs de rachat d’électricité renouvelable ont été réduits en Europe, y compris pour le photovoltaïque ».

Les technologies non matures sont visées

L’emprise de la Chine sur le photovoltaïque a baissé la concurrence à une très petite part. Des entreprises fragilisées, ou en faillite, ne représentent pas un bon terrain pour l’investissement. Pourtant, les politiques d’atténuation du dérèglement climatique ont misé sur la technologie. Les enquêtes de l’Agence Internationale de l’Energie estiment que les objectifs climatiques ne pourront pas être atteints en développant seulement les technologies existantes. 35% des réductions d’émissions nécessaire d’ici 15 ans seraient associés à des technologies qui ne sont pas encore matures. Des progrès sont néanmoins en cours, puisque l’Agence Internationale de l’Energie fixait cette part à 50% en 2021.

Mohamed Bahlali a identifié plusieurs leviers pour favoriser les innovations : « la taxe carbone sur les entreprises est un instrument assez efficace. À partir du moment où on met un prix sur le carbone qui est suffisamment élevé, elles réagissent assez rapidement en essayant de trouver des solutions qui permettent de réduire leur dépendance aux énergies fossiles ». Cela passe également par « des politiques climatiques plus ambitieuses, à la fois au niveau du soutien à la R&D et au déploiement de ces technologies vertes », analyse le chercheur. Si les plans de relance post-coronavirus ont pu dynamiser les aides à la recherche et développement, l’OCDE recommande de pérenniser les efforts.

Quoi qu’il en soit, ces problématiques illustrent la crainte entourant le pari fait sur les technologies pour régler la crise environnementale. Un pari qui, d’après beaucoup d’ONG, détourne trop de la voie de la sobriété.