
Bataille électrique en Inde
1 juin 2025Des géants de l’automobile indiens s’opposent à l’adoption de véhicules hybrides dans la flotte gouvernementale, y voyant une menace pour leurs investissements dans le segment des moteurs dits propres.
Le secteur automobile indien est le théâtre d’une confrontation entre partisans des véhicules 100% électriques et défenseurs des technologies hybrides. Selon Reuters, une coalition de constructeurs menée par Mahindra & Mahindra et Tata Motors fait pression sur l’État pour l’empêcher d’inclure des véhicules hybrides dans sa flotte.
“Notre demande est que la politique gouvernementale et les incitations restent fermement concentrées uniquement sur les véhicules électriques“, a indiqué Mahindra dans une lettre du 15 mai adressée au ministère des Industries lourdes et consultée par l’agence de presse.
Outre les deux mastodontes de l’industrie automobile locale, cette démarche rassemble également des constructeurs internationaux comme Hyundai Motor, Kia Corp et JSW MG Motor.
À l’origine de cette mobilisation contre laquelle les défenseurs de la technologie hybride – Toyota Motor et Maruti Suzuki notamment – semblent pour l’instant moins organisés, figure une récente décision de la Commission pour la gestion de la qualité de l’air (CAQM, en anglais).
La solution de la facilité ?
L’organisme chargé de lutter contre la pollution atmosphérique sévère qui frappe l’Inde, particulièrement la région de New Delhi, a inclus les véhicules hybrides parmi les solutions recommandées dans un avis consultatif émis le 2 mai dernier.
“Bien que les préoccupations concernant les émissions véhiculaires soient universelles, compte tenu de la densité ultra-élevée du trafic véhiculaire particulièrement dans Delhi-RCN, il est nécessaire de développer une feuille de route accélérée pour une mobilité plus propre“, a indiqué la CAQM, privilégiant une approche pragmatique pour accélérer la lutte contre la pollution.
Cette stratégie s’appuie sur des considérations budgétaires (coût élevé des véhicules 100% électriques) et infrastructurelles (coupures récurrentes d’électricité, manque de bornes de recharge…), entre autres. Ce qui contrarie fortement les fabricants de véhicules électriques.
Ces derniers estiment que les véhicules hybrides, qui combinent batterie et moteur à combustion, restent fondamentalement dépendants des énergies fossiles, contrairement aux véhicules électriques à zéro émission, lesquels constituent “une solution efficace pour la crise de pollution atmosphérique urbaine”.
Un marché de 850 000 véhicules en jeu
Derrière cette guerre industrielle se cache aussi une opportunité commerciale concernant la flotte gouvernementale. Les données officielles rapportées par Reuters, révèlent qu’en 2022, les administrations indiennes utilisaient pas moins de 847 544 véhicules, dont seulement 5 384 étaient électriques, soit moins de 1% du parc total.
Cette disproportion colossale représente un gisement de croissance extraordinaire pour les constructeurs qui parviendront à s’imposer sur ce segment. D’où les investissements massifs notés dans le secteur ces dernières années.
Tata Motors a ainsi levé récemment un milliard de dollars auprès du fonds de capital-investissement TPG pour financer son offensive électrique.
Selon l’agence de notation Moody’s, les constructeurs automobiles prévoient d’investir plus de 10 milliards de dollars d’ici 2030 dans la fabrication de cellules lithium-ion, de véhicules électriques et de batteries en Inde.