Herbicides : une argile modifiée pour dépolluer les eaux souterraines
14 février 2020
Une équipe de chercheurs grecs et hollandais a annoncé par communiqué, le 12 février 2020, avoir inventé une argile capable de dépolluer les eaux souterraines. Doté de capsules de taille nanométrique, ce matériau retiendrait à la surface certains composés toxiques dissous dans l’eau, comme les herbicides.
D’après une étude parue en 2013 dans le journal Environnemental Science and Technology, la lutte contre la pénurie d’eau salubre constitue l’un des défis majeurs du début du 21ème siècle. Or, depuis plusieurs années, de nombreux polluants contaminent les eaux souterraines. principalement celles des nappes phréatiques. Au premier rang des polluants figurent les résidus de produits phytosanitaires comme les pesticides, les fongicides ou encore les herbicides.
Les concentrations de chloridazone vont augmenter
Parmi les herbicides les plus couramment utilisés par les agriculteurs en Europe, il y a la chloridazone. Ce produit phytosanitaire, qui permet de lutter contre les mauvaises herbes à feuilles larges en particulier dans les cultures de betterave à sucre, s’avère très toxique pour l’homme. Si les concentrations de chloridazone dans les eaux souterraines restent inférieures au seuil de sécurité, leur dangerosité relève du fait qu’elles persistent dans l’environnement avec des risques daugmenter.
Pour résoudre ce problème de contamination des eaux souterraines par les produits phytosanitaires, une équipe de chercheurs grecs et hollandais a mis au point une argile capable de dépolluer les eaux de sol. Une étude publiée en novembre 2019 dans la revue Environmental Science Nano rapportait déjà la méthode de fabrication ainsi que les performances de ce minéral.
Le 12 février 2020, dans un communiqué, les scientifiques ont exposé plus largement les caractéristiques et les capacités de leur argile modifiée.
Le sodium remplace les ions positifs naturels entre les couches.
« L’argile est un minéral en couches, explique la professeure de physique expérimentale du solide de l’Université de Groningen, Petra Rudolf. Les couches ont une charge négative et sont séparées par des ions positifs. Nous pouvons les remplacer par des piliers moléculaires de notre propre conception. ». Pour obtenir son argile modifiée, l’équipe de scientifiques a d’abord lavé puis traité avec des sels de sodium l’argile naturelle. Le sodium remplace les ions positifs naturels entre les couches. Un manteau d’eau, qui écarte légèrement les couchess, entourent ces ions de sodium. En ajoutant simplement les molécules du pilier à l’eau, elles remplaceront le sodium. », fait savoir Petra Rudolf.
Ces piliers se constituent généralement d’oxyde de silicium, avec un groupe chimique ajouté qui définit l’affinité des cavités. « Dans ce cas, nous avons ajouté des ions cuivre pour attirer le chloridazon et ses produits de dégradation. », précise la professeure de physique expérimentale du solide.
En créant des fentes bien espacées dans le minéral argileux, les scientifiques ont pu filtrer l’eau pour éliminer l’herbicide toxique. L’argile fonctionnalisée a absorbé l’herbicide en quantités importantes : près de 900 milligrammes par kilogramme d’argile. « C’est un bon résultat et nous voyons la possibilité d’augmenter encore l’absorption ». De plus, Rudolf et ses collègues ont montré que l’herbicide est éliminé en chauffant l’argile, réutilisable ensuite.
Des tests pour éliminer d’autres composés de l’eau
Les premiers résultats reposent sur l’utilisation d’une concentration de chloridazone 10 fois supérieure à celle mesurée dans l’environnement. De plus, les expériences ont été réalisées dans de l’eau propre. « Donc, nous devons répéter cela dans de vraies eaux souterraines, pour voir si d’autres composés affectent l’absorption », indique Petra Rudolf.
Si tous les tests s’avèrent positifs, il faudra relever un autre défi : comment transformer cette argile en un produit pouvant rentrant dans le traitement de l’eau. « Les options consistent à ajouter l’argile à l’eau, puis à la récupérer par filtration, ou à construire l’argile dans une membrane », avance Rudolf. «Nous testons des systèmes pour éliminer deux autres composés de l’eau », ajoute la professeure.