De l’eau douce dans l’Océan Arctique ?
7 février 2021Durant deux périodes glaciaires passées, l’océan Arctique que nous connaissons aujourd’hui était sans aucun doute fait d’eau douce. Comment en est-on arrivée à cette conclusion ? Grâce à un simple marqueur isotopique !
Absence de thorium 230 : pas d’eau salée
Les cinq océans de la Terre sont tous composés d’eau salée. Néanmoins, ce qui est une évidence de nos jours ne l’était pas dans le passé. En effet, par deux fois, l’océan Arctique était fait d’eau douce. D’au minimum 1 200 km3 d’eau douce en plus chaque année, piégés par de la glace d’une épaisseur titanesque de 900 mètres. Ce phénomène aurait eu lieu la toute première fois il y a fort longtemps entre – 150 000 et 131 000 ans. Il aurait eu lieu une deuxième fois, plus récemment (si on peut dire ainsi), entre -70 000 et -62 000 ans.
Ce sont des experts allemands qui sont arrivés à cette conclusion. Comment ? En observant l’absence d’un élément. Il s’agit d’un isotope du thorium, nommé le thorium 230. Effectivement, ce dernier n’était pas présent dans des carottes de sédiments provenant de l’océan Arctique. Si on prend de l’eau de mer saline, la destruction de l’uranium naturel produit à chaque fois du thorium 230. Cet élément se pose au fond de la mer et on peut le trouver sur une très longue période car sa demi-vie est estimée à plus de 75 000 ans.
Ainsi, l’absence du thorium 230 dans les sédiments n’est pas anodine. C’est grâce à cette donnée que l’unique explication par rapport à l’océan Arctique est que ce dernier a été fait d’eau douce au moins deux fois dans son histoire, cette dernière étant alors congelée et liquide.
Une véritable prison faite de glace
Or, comment cela a-t-il pu être possible ? Pourquoi l’eau douce ne s’est pas répartie dans la totalité des océans et des mers ? Première explication : nous sommes dans une période dite interglaciaire. Entre les années 150 000 et 131 000 avant notre ère, la planète était dans une période de type glaciaire, plus précisément de glaciation saalienne. Entre les années 70 000 et 62 000 avant notre ère (où l’eau douce aurait été présente pour la deuxième fois), la Terre connaissait alors une période de glaciation vistulienne.
En période glaciaire, le niveau de la mer dans le monde était 130 mètres plus bas qu’actuellement. Ainsi, les masses de glace situées dans la zone Arctique limitaient grandement la circulation océanique. Lors de ces deux époques, l’océan Arctique aurait eu de l’eau douce (au grand minimum 1 200 km3 chaque année). Cette dernière aurait donc été piégée avec une gigantesque couche de glace. Ainsi, l’eau douce a pu être maintenu. Pour l’eau saline, elle était quand à elle présente à l’extérieur de ces glaces. Quand les barrières de glace ont disparu, l’eau salée a repris le pouvoir, en expulsant l’eau douce en direction des mers nordiques, ce qui concorderait avec les reconstructions des océans.
Une autre vision de l’océan Arctique
Ces différents résultats démontrent un vrai changement de l’océan Arctique dans les différentes périodes glaciaires de l’histoire. C’est inédit : jamais un changement total en eau douce de l’océan Arctique et des mers nordiques avait été trouvé. En plus, ce n’est pas une fois mais deux fois que le phénomène s’est produit.
De telles conclusions peuvent permettre d’enrichir nos connaissances actuelles des océans et des mers. Ainsi, cela peut aider à la gestion des risques engendrés par le réchauffement climatique, enjeu majeur du 21ème siècle. Il est temps de réellement agir pour la planète !