Interdiction des paquebots : est-ce nécessaire ?
1 octobre 2023Si l’on part du principe que “l’efficacité énergétique d’un grand navire est supérieure à celle de plusieurs petits bateaux combinés”, la multiplication croissante de ces géants des mers, qui fonctionnent au gaz naturel liquéfié (un puissant gaz à effet de serre), suscite des préoccupations. La question centrale est la suivante : devrions-nous sérieusement envisager d’interdire les paquebots géants dans le but de préserver notre précieuse planète ?
Présenté par ses concepteurs comme le navire de croisière le plus imposant au monde, “l’Icône des mers”, dont le premier voyage est programmé pour janvier 2024, a vu le jour sur le chantier naval de Turku en Finlande, en dépit des critiques portées à son encontre pour son impact potentiellement néfaste sur l’environnement.
Cinq fois plus grand que le légendaire Titanic
La société maritime Royal Caribbean a fait l’acquisition d’un paquebot qui ressemble à une véritable petite ville, avec ses sept piscines, son parc, ses boutiques et même une patinoire. Affichant un tonnage brut de 250 800 tonnes, soit cinq fois la taille du Titanic, ce navire peut accueillir près de 10 000 personnes et prochainement, il se lancera dans des voyages vers les Caraïbes depuis Miami.
Selon les dires de Tim Meyer, le directeur du chantier naval Meyer Turku qui l’a construit, “À l’heure actuelle et d’après nos informations, ce navire est le plus grand paquebot de croisière au monde.”
Bien que certains critiquent cette structure imposante en raison de son impact environnemental en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’autres se laissent fasciner par l’ingénierie sophistiquée de cette destination touristique flottante et ont d’ores et déjà réservé leurs billets.
Une caractéristique notable de ce nouveau vaisseau, dont la construction a débuté en 2021, est son immense dôme en verre qui couvre sa proue.
Il est important de noter que l’industrie des croisières de loisirs connaît une reprise progressive suite à la pandémie de Covid-19, avec le retour des clients chez les compagnies de croisière. Selon l’Association internationale des compagnies de croisière (Cruise Lines International Association), le nombre de passagers devrait dépasser les niveaux d’avant la pandémie en 2023, atteignant 31,5 millions de passagers. “Le marché reprend de la vigueur”, observe M. Meyer.
De plus en plus de navires aux dimensions titanesques
Deux autres navires de taille comparable sont également enregistrés dans la liste des projets futurs de Meyer Turku. Selon Alexis Papathanassis, professeur spécialisé dans la gestion des croisières à l’université des sciences appliquées de Bremerhaven en Allemagne, “au cours de la dernière décennie, nous avons observé une tendance à l’augmentation de la taille des navires de croisière”.
Selon M. Papathanassis, “les navires de grande envergure présentent des avantages économiques évidents” car ils réduisent le coût par passager grâce aux économies d’échelle. Les partisans de cette tendance au gigantisme affirment également que les grands navires sont plus efficaces sur le plan énergétique que plusieurs petits bateaux combinés.
Toutefois, malgré cette perspective, la reprise du secteur des croisières et la multiplication de ces énormes navires suscitent des inquiétudes. Si une approche décroissante était envisagée, “nous opterions probablement pour la construction de navires de croisière de plus grande taille, mais en nombre moins important”, critique Constance Dijkstra, spécialiste du transport maritime au sein de l’organisation non gouvernementale Transport & Environment (T & E). “Cependant, ce n’est pas ce que nous observons actuellement. Au contraire, nous constatons une augmentation croissante du nombre de navires, et ces derniers sont plus grands que jamais”, souligne-t-elle.
Des fuites de méthane conséquentes
En dépit des mesures prises par les paquebots modernes pour minimiser les émissions grâce à des technologies telles que l’utilisation de gaz naturel liquéfié (GNL) comme source d’énergie pour “l’Icône des mers”, les inquiétudes des défenseurs de l’environnement subsistent. Bien que le GNL génère moins de gaz à effet de serre que les carburants traditionnels utilisés en navigation, Mme Dijkstra met en évidence les conséquences significatives des fuites de méthane qu’il engendre sur le climat. En réalité, le GNL, principalement composé de méthane, représente un gaz à effet de serre puissant, susceptible d’avoir des retombées climatiques encore plus graves que celles du dioxyde de carbone. L’emploi du GNL comme carburant marin contribue à stimuler le développement de l’industrie gazière, créant ainsi un défi majeur.
L’avènement de ces navires de grande taille engendre d’autres défis, notamment la congestion des ports et le manque d’infrastructures pour gérer l’afflux croissant. Par ailleurs, dans leur quête pour augmenter la capacité d’accueil des passagers, les compagnies de croisière ont tendance à réduire la taille de l’équipage. Cette démarche peut engendrer des problèmes, particulièrement en cas de situations d’urgence. Alexis Papathanassis soulève des inquiétudes quant à la capacité de garantir une évacuation efficace à bord de ces navires imposants.